Dans un avis rendu le 17 mars 2021, la Cour de cassation indique que le juge prud’homal ne peut pas annuler un avis du médecin du travail pour cause d’irrégularité de procédure. La contestation formulée par l’employeur ou le salarié doit donc porter sur l’avis du médecin en lui-même et non sur un manquement dans les procédures et les diligences prévues par les textes.
Sur quels éléments porte la contestation d’un avis du médecin du travail ?
Lorsque le médecin du travail rend un avis relatif à l’aptitude d’un salarié à son poste de travail, cet avis peut être contesté en justice.
Les règles relatives à ce contentieux ont fait l’objet d’un certain nombre de modifications dans le cadre de la loi Travail (loi 201661088 du 8 août 2016, JO du 9) et ensuite des ordonnances Macron (ord. 2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23).
Les textes indiquent ainsi que la contestation s’effectue devant le conseil de prud’hommes qui statue alors selon la procédure accélérée au fond, c'est-à-dire qu'il statue sur le fond mais en urgence. Cette contestation doit porter sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (c. trav. art. L. 4624-7).
Cette formulation implique-t-elle que le juge ne peut pas contrôler le respect par le médecin du travail des procédures prévues par les textes ? À savoir que l’avis d’inaptitude ne peut être rendu qu’après que le médecin a réalisé au moins un examen médical du salarié ; a réalisé ou fait réaliser une étude de poste, une étude des conditions de travail ; a procédé à des échanges avec le salarié et l’employeur (c. trav. art. L. 4624-4 et R. 4624-42).
C’est dans ce contexte incertain que le conseil de prud’hommes de Cayenne a saisi la Cour de cassation pour avis. Il lui était notamment demandé si le conseil de prud’hommes était compétent pour connaître du non-respect, par le médecin du travail, des procédures et diligences prescrites par la loi et le règlement telles que celles relatives à la constatation de l’inaptitude d’un salarié (sans que l’on sache précisément quel manquement était reproché au médecin du travail dans cette affaire).
Jugeant la question comme nouvelle et présentant une difficulté sérieuse, la Cour de cassation a accepté de rendre un avis.
La contestation doit porter sur l’avis du médecin du travail en lui-même
Après avoir rappelé le contenu des textes applicables, la Cour de cassation a considéré que la contestation dont pouvait être saisi le conseil de prud'hommes devait porter sur l'avis du médecin du travail.
À notre sens, cela signifie que l’employeur ou le salarié qui conteste un avis du médecin du travail ne peut viser que cet avis et son contenu. Il ne peut visiblement pas remettre en cause la validité de l’avis en soulevant une éventuelle irrégularité dans les procédures appliquées par le médecin du travail pour se prononcer.
Notons que la Cour de cassation rejoint ici l’avis du ministère du Travail qui, dans un document questions/réponses relatif au recours contre un avis d’inaptitude a indiqué que la contestation ne pouvait pas porter sur le « déroulé de la procédure d’aptitude/ou inaptitude (vices de procédure) » (Q/R « Recours contre un avis d’inaptitude » du 26 octobre 2020 ; https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/suivi-de-la-sante-au-travail-10727/article/recours-contre-un-avis-d-inaptitude).
Le juge peut examiner tous les éléments sur lesquels le médecin s’est fondé
Dans son avis, la Cour de cassation a néanmoins précisé quels éléments le conseil de prud’hommes pouvait examiner dans le cadre de la saisine. Ce dernier peut ainsi se pencher sur « les éléments de toute nature » sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis.
En pratique, le juge peut donc examiner tous les éléments issus des procédures que le médecin du travail doit suivre. À notre sens, cela implique que même si le non-respect des procédures ne peut pas, en lui-même, rendre l’avis infondé, cela risque d’affaiblir fortement aux yeux du juge le sérieux de l’avis qui a été rendu.
Enfin, la Cour de cassation rappelle, tel que cela est issu du code du travail, que (c. trav. art. L. 4624-7) :
-d’une part, le conseil de prud’hommes peut ordonner une mesure d’instruction ;
-d’autre part, la décision de ce même juge se substitue in fine à l’avis du médecin du travail. Le conseil de prud’hommes ne peut pas déclarer inopposable à une partie l'avis rendu par le médecin.
Cass. avis du 17 mars 2021, n° 21-70002 FI ;
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