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Donation de nue-propriété d’une somme d’argent et abus de droit

01/12/2023

En 2010, une femme a réalisé une donation-partage en faveur de ses deux fils. Cet acte portait donation de la nue-propriété d’une somme d’argent de 3 200 000 €. Pour estimer la valeur de la nuepropriété, le notaire a utilisé le barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts. L’opération a généré des droits de mutation à titre gratuit de 635 614 €.   

La donatrice décède cinq ans plus tard. L’actif net successoral est déterminé après prise en compte, au passif, d’une dette de restitution de 3 200 000 € de la défunte envers ses héritiers (intervenant alors en qualité de créanciers).

Cette dette de restitution correspond à la créance des nus propriétaires, née de la donation-partage effectuée en 2010, le démembrement sur somme d’argent ayant généré un quasi-usufruit en application de l’article 587 du Code civil. 

L’administration fiscale a considéré que cette donation démembrée était fictive « faute de dessaisissement de la donatrice et, par suite, d’intention libérale et qu’elle était destinée à réduire la base taxable au moment de la succession en raison de l’obligation de restitution pesant sur l’usufruitier d’une somme d’argent. » Elle a donc mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales. 

Le Comité de l’abus de droit estime dans un premier temps que l’absence d’obligation de caution pesant sur l’usufruitière n’implique pas nécessairement la fictivité de l’opération. La créance de restitution caractérise bien la dépossession, même à ne pas être assortie d’une mesure de sûreté.  Le fait que le capital objet de la transmission ne soit pas identifié (par exemple par des références bancaires) ne caractérise pas non plus la fictivité de l’opération, tout comme l’absence d’obligation pour l’usufruitière d’informer les nus propriétaires de l’utilisation des fonds.   

Pour ne pas être fictive, le Comité estime que la somme d’argent faisant l’objet d’un démembrement doit être présente dans le patrimoine du donateur à la date à laquelle cette donation était consentie. Une telle opération ne peut donc pas porter sur des sommes issues d’une cession ultérieure de valeurs mobilières (ce qu’avançaient ici les nus propriétaires), quand bien même ces valeurs mobilières étaient déjà détenues par la donatrice au jour de la transmission.

En l’espèce, la somme d’argent effectivement détenue par la mère à la date de la donation était de 2 952 150 €. Le Comité en a donc déduit que l’acte de donation devait être considéré comme fictif à hauteur de la somme de 247 850 €. 

Enfin, le Comité considère que la dette de restitution, qui implique de remettre au nupropriétaire, à l’expiration de l’usufruit « soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution », doit pouvoir, lorsque l’usufruit s’éteint par le décès de l’usufruitier, être acquittée sur l’actif successoral. En l’espèce, l’actif successoral était suffisamment important pour qualifier le respect par la quasi-usufruitière de cette obligation lui incombant. 

L’administration s’est rangée à l'avis émis par le Comité. 


Pour en savoir plus,

Philippe Senaux 

Directeur du CGA2APL

Expert-Conseil

Conseiller en gestion de patrimoine

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